Michel NaassanehComment

À travers la pénombre

Michel NaassanehComment
À travers la pénombre

Par Michel Naassaneh

Lorsqu’un danger, qu’il soit imminent ou pas, prend les rênes de la raison, se livrer à l’inconnu devient tout sauf plaisant ! Et si le fait de rester dans l’ignorance s’avère la clé de la survie, à partir de quand pouvons-nous affirmer détenir un savoir (mortel) ?

Dans la petite histoire fictive suivante, le simple pouvoir de l’Oxygène à nous faire vivre est remis en question. On y découvre un déroulement qui, bien que vraisemblable, défie les lois de la nature. Je vous laisse le plaisir de lire et de comprendre…


Je me réveille brusquement avec cette désagréable sensation de tomber dans le vide. Je suis essoufflé. Je m'étouffe. Je me réveille.

Je ne me noie pas. Enfin, pas littéralement, mais je baigne tout de même dans la pénombre. Est-ce ma tête qui tourne ou tout ce qu’il y a autour ? Mon imagination me joue des tours. Je me frotte les yeux, qui me piquent davantage après cette gestuelle matinale. C’est encore le matin… ou peut-être est-ce l’après-midi ? Je ne sais plus quoi en dire, franchement ! En tout cas, mon hibernation tire à sa fin. Je me redresse, m’assois et me lève difficilement. J’ai la tête lourde, avec en plus cette étrange sensation qu’elle va exploser. Mes pieds et mes jambes peinent à soulever mon poids. Pourtant, je suis aussi léger qu’une plume. Je tente de marcher, d’avancer, en posant un pied devant l’autre. C’est à peine si je peux aligner deux pas. Peut-être bien que le temps commence déjà à me marquer de vilaines cicatrices. Mais c’est insensé, enfin ! Loin de moi l'idée de m'abandonner à de longs éloges de mes aptitudes physiques, je dois tout de même souligner ma ténacité à franchir les limites que m'impose mon propre corps…

Je reprends donc mes esprits et… mon caractère. Je ne sais pas comment j’ai pu me retrouver dans cet endroit si vaste et ténébreux. Tout en écarquillant les yeux, je cherche un repère, une direction à suivre… Il n’en reste pas moins que tout ce qui m’est familier m’échappe. Mes yeux discernent à peine ce qui m’entoure, et une froideur glaciale s’immisce, doucement mais sûrement, dans les plus profondes articulations de ma chair. Je pleure mon confort habituel et mes excursions aventurières en nature d’une prévisibilité inégalée. 

Quelques vives lueurs de soleil tombent enfin sur moi, et voilà soudainement que je me prends un violent coup de fouet dans le ventre, puis dans le dos. Déséquilibré, c’est à peine si j’ai le temps de réaliser ce qui m’arrive que je me retrouve déjà au sol, recroquevillé, avec les poings et la mâchoire serrés. Il m’a fallu plusieurs longues minutes pour me ressaisir et pour me relever. 

Toujours perplexe et sous le choc, heurté par cette sensation de douleur écrasante qui s’abat sur moi, je lève la tête et les yeux pour tenter de voir ce que l’Univers m’a envoyé. Étonnement, je vois maintenant le monde tourner à l’envers. Par ailleurs, tout est si minuscule. Dans un paysage coupé en deux, une foule d’inconnus remplit le portrait que j’observe. Du méconnu, il y en a suffisamment pour nourrir les curieux d’esprit. Quant à ceux qui parlent, ils ne se taisent jamais ! Comment est-ce qu’on peut m’entendre crier alors ? Beaucoup regardent dans ma direction. Certains ignorent complètement ma présence. D’autres me dévisagent de la tête aux pieds. Suis-je sain d'esprit ?

Exaspéré de leur comportement ignoble, je refais le tour de ce qui m’entoure. Surprise ! Au loin, je distingue deux ou trois minuscules lumières, disposées symétriquement. Proviennent-elles d’une cabane où je peux me réfugier, de paysans à qui je peux demander de l’aide ? Porté par cette idée et ayant trouvé mon point de mire, je me précipite à la rencontre de mon potentiel sauveur. Mes compétences athlétiques étant au premier plan, il semblerait néanmoins que la lueur scintillante s’échappe à mesure que je m’approche. Quoi qu’il en soit, je poursuis, comme il ne s’agit là que d’une simple impression, voire d’une illusion. 

Sur le chemin, une sensation d’inconfort m’accompagne et me tourmente. Ayant la ferme conviction d’être suivi et surveillé – moi qui suis pourtant dans un monde où il n’y a, en apparence, personne – je reste sur mes gardes pour éviter un autre coup de fouet. En songeant à ma prochaine aventure, qui aura lieu grâce aux merveilleuses lumières qui me sauveront la vie, je me retrouve rapidement plongé dans mes pensées. Et me voilà encore pris au dépourvu lorsque je me fais subitement attraper par une sorte de corde recouverte d’une substance visqueuse. Coincé et ne pouvant plus bouger, j’éprouve un mal-être profond en réalisant que j’ai les mains engourdies et les jambes immobiles… Impuissant, je reste pris au piège pour ce qui me semble être une éternité. Je me débats de toutes mes forces – enfin, de ce qu'il m'en reste... Mes efforts sont toutefois vains : avant même que je ne puisse poser le moindre geste libérateur, je me vois rapidement tiré violemment par mes pieds, avant d’être projeté comme un pantin contre une dure roche. 

Je désespère de sortir de ce cauchemar sans fin. Tout cela est-il seulement réel ? Je ne comprends plus rien à ce qui m’arrive ! 

Où est-ce que je suis… ? Je prononce ces mots en réalisant que je ne suis plus essoufflé, ni pris au piège. Quel soulagement ! Tout compte fait, je vais pouvoir vivre.

Et il s’ensuit maintenant un long silence profond. C’est le calme après la tempête. 

Enfin, peut-on vraiment parler de silence complet ? Voyons... Toute aventure doit être racontée. Le moment est venu de commencer.

« Y a-t-il un drame ? », disait l’un ; « Dis-moi tout », cria l’autre. 

Entre le vacarme de la foule et des journalistes se filmant devant la mer, on réussit à distinguer un policier qui énonce à un civil mineur ses droits, tout en lui confisquant ses appareils électroniques, considérés dès lors comme des « éléments de scène de crime » dans une affaire d’homicide.