À contre-courant : la compensation à l'externat

À contre-courant : la compensation à l'externat

par Laurent St-Pierre

Lors de l’assemblée générale du 28 mars 2019, les étudiants se sont positionnés en majorité pour que l’AÉÉMUM milite en faveur d’une amélioration des conditions de stage et de possibles compensations, excluant toute forme de salaire, pour les stages de l’externat. Les étudiant.e.s ayant pris la parole affirmaient qu’ils ressentiraient un profond malaise quant au fait d’alourdir encore plus le fardeau financier que les médecins imposent à l’État québécois.

Je tiens à introduire une opinion dans le débat que je me suis abstenu d’avancer lors de l’assemblée générale puisque les procédures d’assemblée empêchent selon moi d’avoir de réelles discussions, qui sont nécessaires pour un sujet autant polarisant. Je considère que le fait de refuser de demander toute forme de compensation financière directe lors de l’externat contribue à la barrière d’accès à la profession médicale.

Je suis cependant en accord avec le fait que ces mesures ne devraient pas puiser dans les ressources du ministère de la santé, considérant les conditions financières avantageuses des médecins. Je crois toutefois que des solutions innovatrices pourraient être mises de l’avant afin de limiter le fardeau financier des étudiants, améliorer l’accès à la profession médicale pour les moins nantis, et ne pas puiser dans les ressources publiques.

Une de ces solutions pourrait prendre la forme du versement d’un montant forfaitaire par semaine de stage aux externes, qui serait une avance sur le revenu potentiel futur. Ce que j’entends par ceci est que le montant versé aux externes ne serait qu’une avance sur ce que celui-ci ou celle-ci gagnera une fois médecin. L’étudiant se ferait donc en quelque sorte un prêt à lui-même par l’intermédiaire du gouvernement. Une fois que l’étudiant.e recevra un salaire, le gouvernement pourra en retenir une partie pour rembourser progressivement les montants versés à l’externat. Les détails d’un tel programme comme les intérêts, le moment du début du remboursement (pendant ou après la résidence), le montant versé par semaine, l’impact sur les prêts et bourses, le caractère facultatif ou obligatoire de cette mesure, etc. seraient la cible de négociations entre les différents acteurs impliqués, mais je crois que le fondement est ici assez clair.

J’avance que ceci augmenterait l’accès à la profession médicale, car je crois que l’une des raisons, bien que n’étant pas la principale, expliquant que la majorité des étudiants en médecine proviennent de familles riches et d’écoles privées est que la formation en médecine est perçue comme étant très longue et chère, puisque les années avant la pratique (et donc avant la perception d’un salaire) sont nombreuses. Si on réduisait le nombre d’années sans revenu pour les étudiants à trois plutôt que cinq, cette perception pourrait peut-être changer.

Je suis tout à fait conscient que ce genre de programme ne s’attaque pas au problème de fond expliquant la difficulté d’accès aux études supérieures pour les étudiants moins favorisés. Les statistiques parues récemment affirmant que seul 15% des étudiants du système public ordinaire accèderaient à l’université[1] indique que le problème vient de notre système d’éducation public secondaire, voire même primaire. Je pense toutefois que le débat actuel entourant la rémunération des stages est un terrain propice pour les discussions entourant l’externat et que chaque mesure pouvant améliorer l’accès à la profession médicale et aux professions libérales en général mérite d’être explorée pour améliorer la mobilité entre les classes sociales et garder vivant l’idéal québécois d’égalité des chances.


[1] https://www.ledevoir.com/societe/education/550635/a-peine-15-des-eleves-des-ecoles-publiques-regulieres-vont-a-l-universite