Le Pouls

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Résidence en 3 ans : davantage qu’une année ajoutée

par Félicia Harvey

À la suite de l’écriture de mon article concernant la recommandation du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) d’allonger la résidence en médecine de famille de 2 ans à 3 ans, je me suis interrogée sur l’impact de cette annonce sur notre programme de résidence en médecine de famille, offert à l’Université de Montréal (UdeM). Pour mieux saisir les enjeux propres à l’UdeM, j’ai rencontré Dre Nathalie Caire Fon, Directrice du Département de médecine de famille et de médecine d’urgence à l’UdeM, ainsi que Dre Tania Riendeau, Directrice du programme de résidence de médecine de famille à l’UdeM.

 

Refonte complète 

Le CMFC est l’organisme d’agrément qui définit les exigences que doivent remplir les programmes de résidence des différentes universités. Cependant, celles-ci ont une latitude considérable quant à la structure et aux modalités de la formation, à condition de respecter les indicateurs formulés par le Collège.  

Dès le début de l’entrevue, Dre Caire Fon et Dre Riendeau ont insisté sur le fait que l’objectif ne serait pas de simplement ajouter une année au programme actuel de 2 ans, mais bien d’instaurer une réforme complète. La médecine familiale ferait peau neuve ! Une toute nouvelle formation échelonnée sur 3 ans serait développée par la Faculté. En effet, le CMFC n’entend pas imposer quoi que ce soit aux universités canadiennes, mais souhaite travailler avec elles pour élaborer un programme qui reflèterait davantage les besoins d’apprentissages des futurs médecins. Ainsi, le département de médecine de famille de l’UdeM met sur pied son propre comité, indépendant du CMFC, afin d’évaluer l’état actuel de notre programme de résidence : nos forces, nos défis et la pertinence d’une refonte. 

« C’est un travail quasiment de co-construction à travers le Canada. » 

- Dre Nathalie Caire Fon, Directrice du Département de médecine de famille et de médecine d’urgence à l’UdeM

 

Selon Dre Caire Fon, il ne faut pas voir cette réforme comme une année supplémentaire qui formerait des médecins plus compétents, car ils le sont déjà. C’est plutôt une occasion de repenser la médecine de famille. 

 

Raviver la flamme

Les postes en médecine de famille perdent la cote auprès des étudiants, au profit des spécialités. Ainsi, l’impact qu’aurait un allongement de la résidence sur l’intérêt des étudiants doit être considéré en priorité. Plusieurs sondages ont été menés à ce sujet et les avis sont plutôt partagés. Cependant, comme l’a souligné Dre Tania Riendeau en entrevue, l’évaluation de l’intérêt réel que porteraient les étudiants à la réforme est ardue, puisque nous ne connaissons pas encore les modalités du nouveau programme. Nous sommes au tout début du projet, alors les étudiants disposent de peu d’informations, hormis le temps (2 ans vs 3 ans), pour se prononcer. 

« La médecine de famille attire moins de personnes, […] donc il y a quelque chose qu’il faut qu’on change. Est-ce que ça revient à changer notre formation en offrant un programme de 3 ans ? Je pense que c’est là qu’il faut se poser la question et que c’est peut-être le bon moment de le faire. »  

- Dre Tania Riendeau, Directrice du programme de résidence de médecine de famille à l’UdeM.


Actuellement, la résidence est très condensée. Ainsi, les directrices croient que la réforme pourrait contribuer au bien-être des résidents en allégeant la formation. Aussi, un programme moins chargé permettrait à davantage de résidents d’allouer du temps à la recherche en médecine de famille. Ensuite, un des objectifs de la résidence est d’exposer les futurs médecins à de nombreuses situations, tout en pouvant compter sur le soutien de leur patron. Donc, peut-être que les résidents se sentiraient plus confiants en commençant leur pratique de manière autonome grâce à l’année supplémentaire. 

Est-ce le bon timing ?

Très conscientes de la pénurie de médecins au Québec, Dre Caire Fon et Dre Riendeau ont souligné que personne n’avait l’intention d’instaurer une réforme du jour au lendemain. Tout le monde est au fait de la situation actuelle et l’objectif n’est pas de mettre de l’huile sur le feu ! Ainsi, si la résidence était allongée d’un an, la transition se ferait de manière graduelle. On veut éviter à tout prix une année sans aucun nouveau médecin de famille. Une option envisagée serait de commencer avec quelques cohortes pilotes pour mettre en place correctement les changements et corriger les imprévus avant d’instaurer la réforme pour tous. 


La pandémie a mis en lumière plusieurs lacunes du système de santé. Au sortir de la crise, le gouvernement de la CAQ fit de la réforme du système de santé une de ses priorités. Il vise d’ailleurs à améliorer l’accès à la première ligne. Cette dernière comprend plusieurs acteurs, dont les médecins de famille. Leurs rôles seront certainement redéfinis. Par conséquent, Dre Riendeau et Dre Caire Fon ont soulevé que la réforme du programme de résidence pourrait justement être une occasion d’adapter l’apprentissage à ces nouveaux rôles. 

« [L’objectif serait] de ne pas être en arrière de ce qui va être la clinique, mais plutôt de prendre les devants pour en faire une clinique de qualité. » 

- Dre Tania Riendeau, Directrice du programme de résidence de médecine de famille à l’UdeM.

 

Peu importe le milieu, l’identification des forces et des faiblesses d’un programme est toujours pertinente. Ensuite, il est nécessaire de déterminer les avantages et les inconvénients d’une réforme dans le contexte actuel. Somme toute, notre meilleur atout dans cette situation est notre indépendance face au Collège et dans l’élaboration de notre programme. Nous avons le pouvoir au sein même de l’Université d’évaluer nos propres défis, nos propres qualités et nos propres objectifs.